Bonjour Madame Pauline,
Suite à votre requête j’ai procédé à l’examen du parcours quelque peu atypique de notre Louise Bourgeois qui s’est éteinte lundi dernier à l’âge de 98 ans.
Elle fut sculpteur plasticienne et enseignante, et…parisienne jusqu’à 27 ans et new yorkaise par la suite après avoir épousé un certain Robert Goldwater, historien d’art américain. Selon la coutume j’ai procédé à une analyse de toute une série de précisions d’ordre biologique, mais aussi un approfondissement du vécu individuel et des réactions de l’entourage. On sait que les processus névrotiques et psychotiques, avec leurs aspects infantiles propres, interfèrent à tout instant et conditionnent dans une mesure variable, non seulement les altérations du caractère, mais encore les états précédents. Dans l’arsenal de mes moyens de connaissance et d’action, l’étude et l’utilisation du langage grapho-plastique s’inscrivent au tout premier chef…et on peut affirmer que la communication avec notre Louise se fait électivement sur le plan pictographique.
Il va sans dire que pour ce type de sujet, l’activité picturale constitue un langage, un moyen d’expression et de communication, un acte créateur auto-gratifiant permettant d’accéder à un monde de valeurs de dépassement.
Source de joie, dispensatrice d’instants de vrai bonheur, elle peut contribuer à changer le sens de l’existence et, par là, permettre une construction ou une reconstruction adaptée à la personnalité…
Notre Louise a été en quête sa vie durant de la « qualité » ultime dissimulée au fond de son âme, découvrant à chaque minute qu’il n’est point de sagesse sans révolte ni de vérité sans rupture avec la mémoire.
Elle n’a eu de cesse de courir du doute vers la certitude en passant plus que de raison par le refus.
Comment ouvrir un nouvel espace pour s’aérer sans avoir les narines offusquées par le souvenir d’un père indécent ?
Et sa vie durant elle se révolta contre cette proportion variable du bien et du mal, espérant secrètement une rétribution providentielle des mérites de sa gentille maman et une punition exemplaire des fautes de son méchant papa…
En fait, Louise était une artiste habitée par un sens moral surdimensionné, regardant le cocon familial comme une imposture. Et de prendre faits et causes en faveur de sa mère bafouée, méprisée, atrocement cocufiée, souillée, abimée et même détruite par son soudard de mari pornographe impénitent !
L’artiste Louise a cherché dans l’Art la lumière révélatrice sous une forme métaphorique de sa révolte morale, de son dégout, de ses nostalgies impuissantes d’une enfance déçue et méprisée quelque part. N’a t-elle pas été immergée dans le milieu artistique pendant quasiment un siècle puisque ses parents exerçaient le métier de restaurateurs de tapisseries ?...
Est-ce sa longévité qui a inspiré à Nicolas Sarkozy son commentaire de « très grande artiste qui n’aura jamais cessé de créer et de se renouveler dans son art » ?...
Notons que dans sa période parisienne elle a sans doute bénéficié d’une formation basic au contact de Roger Bissière, André Lhote et surtout Fernand Léger qui l’incitera à sculpter. Elle croisera ensuite Miro, Breton et Duchamp ; mais pas Dubuffet, semble-t-il…
Quoique spectatrice des diverses tendances des six dernières décennies, elle s’est employée patiemment à tisser sa propre toile…au centre du gouffre de son moi profond…
Dans l’une de ses installations (1992) en forme de réservoir cylindrique intitulée : « Liquides Précieux » dominé par un immense manteau masculin recouvrant un petit vêtement d’enfant, elle explique que « Le manteau c’est le père, figure de la répression et le petit habit en dessous c’est elle-même, Louise, quand elle était petite…Les fluides sont produits par les humeurs dues à la terreur inspirée par le père.
Freud aurait sans doute diagnostiqué ici un « complexe de castration » !...
Sous cet angle, l’Art selon Louise Bourgeois, est une thérapie visant à exorciser les démons enfouis dans les profondeurs de la mémoire individuelle et l’on peut affirmer que « l’inquiétante étrangeté » étudiée par les plus éminents psychanalystes est au cœur du travail de Louise Bourgeois.
Les immenses araignées évoquées par Pauline symbolisent la mère de Louise.
Notons que toutes les considérations qui précèdent révèlent que cette démarche « psychanalytique » de Louise s’inscrit dans des préoccupations féminines et même féministes qui ne plaident pas en faveur de cette soi-disant « neutralité » évoquée par le galeriste Karsten Greve
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